La Commission nationale a rendu fin avril 2010 au gouvernement son avis relatif au projet de loi n° 6113 relatif à la rétention des données des communications électroniques portant modification des articles 5 et 9 de la loi du 30 mai 2005 relative à la protection des données dans le secteur des télécommunications et à l’article 67-1 du Code d’instruction criminelle.
Ce texte est actuellement examiné en commission parlementaire.
Dans sa prise de position très attendue, la Commission nationale note que la conservation des données des connexions et de localisation des mobiles prévue dans le contexte de la prévention du terrorisme et de la criminalité organisée constitue une atteinte sans précédent au droit au respect de la protection de la vie privée. Les informations qui doivent être retenues par les opérateurs de réseaux accessibles au public et fournisseurs de services de communications électroniques au-delà de la durée nécessaire pour des raisons techniques, opérationnelles et de facturation sont ceux de tant un chacun et sont susceptibles de révéler foule d’informations sur ses contacts sociaux, ses déplacements et sa vie privée. Il est donc d’une importance cruciale qu’une dérogation au principe constitutionnel du secret des correspondances et des communications reste circonscrite dans des limites claires et étroites qui correspondent aux motifs qui sont à la base de la directive 2006/24 /CE du Parlement européen et du Conseil qu’il s’agit de transposer dans notre législation nationale, à savoir la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.
Le principe de proportionnalité visé à l’article 8, paragraphe (2) de la Convention européenne des droits de l’homme (l’intrusion de l’Etat dans la vie privée des citoyens n’est admissible que dans la mesure prévue par la loi et où cela est nécessaire dans un Etat démocratique pour les intérêts publics importants, notamment la sécurité publique) commande que le législateur s’impose de la retenue et prudence lorsqu’il introduit des exceptions et limitations aux libertés et droits fondamentaux des individus.
Cela s’applique à la durée obligatoire de la conservation des données des communications électroniques (la CNPD se félicite que le projet de loi maintient la durée de 6 mois et qu’elle a également été retenue en Allemagne et aux Pays-Bas) aussi bien qu’aux conditions de l’accès aux données conservées par les autorités policières et judiciaires pour les besoins des enquêtes, de l’instruction et de la poursuite des infractions pénales.
A ce sujet la Commission nationale demande que l’accès de la police soit subordonné explicitement à une autorisation judiciaire préalable tel que cela résulte d’ores et déjà de l’application de l’article 67-1 du Code d’instruction criminelle et s’oppose au maintien de la faculté d’accès de la police sans ordonnance du juge d’instruction dans le cadre de l’enquête de flagrant délit. Elle estime qu’il serait ainsi assuré comme le demande le groupe de l’article 29 que les données conservées ne pourront servir à des recherches généralisées à grande échelle de type “Rasterfahndung” et qu’il sera évité que la population n’ait un sentiment diffus d’une surveillance à son insu à travers leurs données de connexion et de localisation tenues à la libre disposition de la police.
Il est à noter que la Commission consultative des droits de l’Homme vient à son tour de s’exprimer dans le même sens dans son avis du 29 juin 2010.
L’avis commente finalement l’importance des exigences en termes de mesures de sécurité à mettre en oeuvre pour cette conservation massive de données relative à tous les citoyens au vue d’empêcher des atteintes illégitimes aux données à caractère personnel et de prévenir des abus.