2. Le consentement en matière de droit à l’image

Il est de jurisprudence constante que « toute personne a sur son image et l’utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s’opposer à une diffusion non autorisée par elle »1. Ainsi, il a été jugé que « le droit de l’homme sur son image privée est total et que chacun peut s’opposer à la publication de ses traits sans autorisation »2.

La jurisprudence en la matière retient qu’une personne qui donne son consentement pour la prise de photos ne le donne pas nécessairement pour la publication ou la diffusion. Il y a donc lieu de collecter un double consentement.

2.1. Le consentement à la prise de vue

L’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée sanctionne l’« atteinte à l’intimité de la vie privée », dont le fait de fixer l’image d’une personne « sans le consentement de celle-ci » dans un « lieu non accessible au public » (c’est-à-dire un lieu strictement privé). Cet article précise néanmoins que, lorsque la prise de vue est accomplie « au vu et au su » des participants d’une réunion, « le consentement de ceux-ci est présumé ». Ainsi, lorsque le sujet de la photo est conscient de la prise de vue, le consentement est implicite et peut être présumé par la personne prenant la photo. Le sujet de la photo dispose cependant du droit de s’opposer à la prise de vue.

Par exemple, le fait de prendre une pose ou d’être au courant que des photos sont prises constitue en général un consentement valable à la prise de vue. 

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH) a établi que la simple captation d’une image, sans publication, peut constituer une atteinte au droit à l’image dès lors que le consentement est absent3.

Lors d’événements publics (par exemple concerts, manifestations sportives, spectacles culturels, marchés de Noël, …), le consentement des personnes présentes peut être présumé à la prise de vue, en particulier si les conditions générales de l’événement le précisent.

L’information des personnes présentes à un évènement peut être effectué par l’intermédiaire d’un renvoi vers un site web, par une information figurant sur l’invitation ou sur le billet d’entrée ou alors par un affichage approprié sur place.

La jurisprudence différencie entre les photos ciblées et les photos non-ciblées. Les photos ciblées sont celles dans lesquelles une personne est le sujet principal, en y figurant seul, en y étant mise à l’avant-plan ou en y prenant une pose (même en groupe). Les photos non-ciblées reflètent l’ambiance générale sans avoir une ou plusieurs personnes en tant que sujet principal. Le consentement (même tacite) est nécessaire pour les photos ciblées. En général, le fait de prendre une pose, individuellement ou en groupe, peut être considéré comme un consentement tacite à la prise de vue. Pour les photos non-ciblées, il suffit en général d’informer les personnes concernées.

Pour les mineurs, il faut recueillir le consentement auprès des représentants légaux. D’après la jurisprudence belge et française, lorsque le mineur a atteint « l’âge de discernement » (à apprécier au cas par cas, mais en principe à partir de 13 ans), il est recommandé récolter le consentement du mineur, en addition de celui de son représentant légal (double consentement)4.

2.2. Le consentement à la publication

2.2.1. Le principe du consentement explicite

En principe, le consentement, distinct du consentement à la prise de vue, est nécessaire pour procéder à la publication d’un cliché d’une personne identifiable. La jurisprudence a déjà sanctionné de façon répétée la reproduction et la diffusion non-autorisées d’images et de films5.

L’utilisation de réseaux sociaux pour la diffusion de photos est généralement à considérer comme une publication et nécessite dès lors en principe le consentement de la personne identifiable.

La jurisprudence établit que la charge de la preuve relative au consentement incombe à celui qui publie l’image et précise qu’une telle autorisation « ne doit pas nécessairement résulter d’un écrit, mais peut être implicite, voire présumée à condition toutefois qu’elle soit certaine et spécifique »6. Le consentement peut ainsi être prouvé par tout moyen, et n’est pas nécessairement fixé par écrit. L’absence de réponse à une demande de consentement à la publication équivaut en principe à un refus de consentement.

Afin d’éviter toute « insécurité juridique », la Commission nationale pour la protection des données recommande, dans la mesure du possible et en fonction du contexte (scolaire, associatif, professionnel, …), de demander un écrit qui permet de fournir le consentement séparément pour chaque mode de publication concerné, couplé, le cas échéant, à une durée de publication et qui informe la personne concernée de la finalité de la publication7.

Par exemple, en milieu scolaire, associatif, sportif ou professionnel, les élèves, membres, affiliés ou salariés pourraient être invités à signer un formulaire une fois par année pour consigner le consentement. Ce consentement doit pouvoir être librement donné.

Le caractère spécifique de ce consentement signifie que le consentement n’est pas librement transférable d’un mode de publication à un autre : par exemple, l’autorisation de publication d’un cliché dans un journal imprimé n’inclut pas le consentement à la publication sur un site en ligne. Dans certains cas, un contrat peut également préciser les modalités de l’utilisation de l’image d’une personne.

À titre d’illustration, un client d’un photographe peut consentir de façon explicite et libre, en marge d’un contrat principal, à l’utilisation de ses photos à des fins de marketing sur un support déterminé (par exemple un site internet).

Comme expliqué plus haut, il faut recueillir le consentement auprès des représentants légaux des mineurs. Des protections spécifiques existent concernant la publication de photos de mineurs8.

Il est à noter que le consentement peut être retiré à tout moment. Le consentement reste valable jusqu’au moment du retrait. Selon le cas d’espèce, certaines publications, par exemple sur support papier, peuvent continuer de circuler. Dans la mesure du possible, il convient de respecter le retrait du consentement et de mettre en œuvre des mesures pour supprimer, flouter ou masquer la photo en question.

2.2.2. Les exceptions prévues au consentement à la publication

Alors qu’il est toujours plus approprié de récolter le consentement explicite de la personne concernée, le consentement n’est pas nécessaire pour procéder à la publication d’un cliché dans certains cas :

  • La liberté d’expression et d’information protège le « droit du public d’être informé, y compris, dans des circonstances particulières, sur la vie privée de personnes publiques »9.
    • Une personne publique (acteur politique ou syndical, sportif, artiste ou musicien10) s’expose à ce que des éléments de sa vie privée soient publiés lors que ces éléments sont justifiés d’un point de vue de la liberté de la presse et du droit du public d’être informé.
    • Une personne anonyme peut, selon les circonstances, devenir momentanément une personne publique, quand elle est concernée par un événement d’actualité. En principe, elle a un droit à l’oubli après un certain temps.
  • La liberté de la presse est spécifiquement protégée par la loi modifiée du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias qui précise notamment à l’article 15 dans quels cas un journaliste professionnel ou un collaborateur d’un éditeur peut communiquer des éléments relatifs à la vie privée d’une personne sans engager sa responsabilité.
    • En particulier, la publication d’une photo (en tant que « information en rapport avec la vie privée d’une personne ») est admise lorsqu’elle survient à l’occasion d’une communication au public en direct sous réserve du respect de certaines précautions.
  • La liberté d’expression artistique ;
  • Des législations spécifiques et la jurisprudence admettent que des images soient captées ou publiées sans le consentement des personnes concernées.
    • Par exemple pour des motifs liés à la prévention, à la recherche et à la constatation des infractions pénales11.
    • Législation en matière de documents d’identité.

Les photos ainsi publiées doivent néanmoins en principe respecter la dignité de la personne, et, selon les cas, d’autres principes et droits doivent être respectés, comme le droit à l’oubli. Dans certains contextes, il peut être interdit de prendre et diffuser des photos de mineurs (par exemple en matière judiciaire).

 
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  1. Juge des Référés de Luxembourg, Vallone c. Media Press International, Référé du 20 novembre 1978, Pasicrisie tome 25, p. 358 ; Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg, Pierret c. Wegner et Luxembourg Weekly Review s.à.r.l., jugement du 2 juin 1976, Pasicrisie tome 23, p. 553.
  2. Trib. Arr., 29 mars 1995, n°15758 du rôle.
  3. CourEDH, Reklos et Davourlis c. Grèce, 15 janvier 2009, 1234/05, § 40.
  4. Voir également CNPD, Fiche pratique relative à l’utilisation de photos ou vidéos en milieu scolaire.
  5. Voir Trib. Arr. Lux., 17 mars 2011, n°1014/2011 et Trib. Arr. Lux., 5 avril 2011, n°123 8/2011.
  6. Trib. Arr., 26 mars 1987, n°33260.
  7. Voir également CNPD, Fiche pratique relative à l’utilisation de photos ou vidéos en milieu scolaire.
  8. Art. 38, Loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse ; art. 18, Loi modifiée du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias ; Art. 383, 383bis, 385 Code pénal.
  9. Art. 85 RGPD ; art. 60 PL7184 ; art. 10 CEDH. Voir Cour d’appel, 5 novembre 2014, n° 40644 ; Cour d’appel, 6 janvier 2005, n° 26823 (affaire dite du « M. »). Voir aussi CourEDH, Österreichischer Rundfunk c. Autriche, 7 décembre 2006 ; CourEDH, Eerikäinen et al. c. Finlande, 10 février 2009. Le droit au respect de la vie privée peut néanmoins prévaloir quand la valeur d’information n’est pas démontrée : CourEDH, Toma c. Roumanie, 24 février 2009 ; CourEDH, Khmel c. Russie, 12 décembre 2013. Le droit à l’image peut prévaloir même quand l’identité de la personne était déjà connue et que la photo se rapportait à un événement public : CourEDH, Egeland et Hanseid c. Norvège, 16 avril 2009, CourEDH, Axel Springer SE et RTL Television GmbH c. Allemagne, 21 septembre 2017.
  10. Les développements exposés ici ne préjugent pas des droits d’auteur potentiellement en jeu.
  11. Voir notamment : Chambre du conseil de la Cour d’Appel, arrêt du 24 avril 2012, n° 254/12.. Cependant, la publication doit poursuivre un but légitime (par exemple la recherche d’un fugitif ou d’un suspect) (CourEDH, Khuzhin et al. C. Russie, 23 octobre 2008).

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